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N° 754 - Mission Adélie [KORI] par Rico

Deux semaines, déjà !

Cela faisait exactement deux semaines que Kori et son équipe luttaient contre les éléments. Le froid, d’abord, évidemment. Puis le blizzard, qui s’insinuait partout, qui ne cessait de siffler aux oreilles de Kori. Et enfin, ce blanc immaculé entêtant, infini, qui, après des jours de marche, apparaissait même dans les rêves, éblouissant, au point qu’on se demandait si l’on dormait.

L’Antarctique se méritait !

« Le continent le plus froid, le plus venteux, le plus sec et le plus sombre de la planète », avait dit un jour Ernest Shackleton. Kori ne pouvait que partager cette définition. Ces jours, pareils les uns aux autres, toujours, auraient fait tomber n’importe qui en dépression. Et puis, comment savoir si nous suivions la bonne direction ? Heureusement, le gouvernement avait mis les moyens, et la troupe pouvait bénéficier des outils technologiques les plus avancés. Ainsi, on savait (on espérait, plutôt) que le but du voyage allait bientôt être atteint.

Kori se remémora l’entrevue qu’il avait eue avec le chef du gouvernement. Il lui semblait que c’était en des temps si lointains, déjà… si lointains et si chauds…

Hubert Dumont, le Premier Ministre, avait fait appel, encore !, à Kori. La situation était grave en effet. Aucun des participants de la mission que le pays menait dans le plus grand secret aux confins du globe, tout près du Pôle Sud, n’avait plus donné signe de vie depuis 9 jours. Les derniers échanges avaient pourtant prouvé que les fonds investis dans cette mission ne l’avaient pas été en vain, puisque les chercheurs venaient de découvrir un minerai inconnu jusqu’à présent, qui promettait de révolutionner le domaine énergétique mondial.

Kori se demanda à nouveau ce qu’il venait faire dans cette galère… Il était archéologue, pas agent secret ! Mais « l’honneur de la nation », « la sécurité nationale », « les risques si ce minerai tombait en de mauvaises mains »… le Premier Ministre avait fini par convaincre Kori d’accompagner la troupe de soldats sur-entraînés afin de porter secours à l’équipe de scientifiques qui travaillaient sur place. Il fallait absolument un expert en cryptologie pour pénétrer dans la base. C’était en effet Sylvain Beauverger, le responsable de la mission, qui avait défini le code d’entrée de la base et personne en-dehors de celle-ci ne le connaissait, pour des raisons évidentes de sécurité.

Pour tenter de penser à autre chose qu’à un verre de lait, une feuille vierge, une hermine ou à Rose de Montvallon en robe de mariée (même si cette dernière vision était bien plus agréable), Kori se remémora, pour la énième fois, la fiche des Renseignements Généraux sur Beauverger, que Hubert Dumont lui avait confiée. Quel homme que ce Beauverger ! Bien qu’aveugle de naissance (ce qui était sans conteste un avantage pour supporter ce paysage, se dit Kori), il semblait être un puits de science, un touche-à-tout de génie, et la liste de ses études et publications laissait Kori pantois. Tous les domaines étaient représentés : volcanologie, entomologie, xylologie, ichnologie, limnologie, lépidoptérologie, orologie, lexicologie, océanologie, gemmologie, icthyologie, ethnologie… Ce Beauverger était un omnilogue !

Kori se demanda comment un homme tel que ce Beauverger avait pu se résigner à vivre plusieurs années à l’écart de toute civilisation, loin de la moindre bibliothèque, du moindre musée. Le jeu en valait certainement la chandelle, et il convint que sa mission, si désagréable fût-elle quant aux conditions climatiques dantesques qu’il subissait, relevait ni plus ni moins de l’intérêt national, voire de l’avenir de la planète.

- La voila !

Kori n’en crut pas ses oreilles. Pourtant, il ne rêvait pas : les hommes de tête venaient d’apercevoir le toit du bâtiment qui signalait l’entrée de la base souterraine dans laquelle, on l’espérait, s’étaient réfugiés l’ensemble des membres de l’équipe. Pressés à la fois de savoir ce qui était arrivé, et de sortir de ce désert de blanc, la troupe accéléra l’allure et se retrouva bientôt devant un hangar d’environ 30 m sur 20, aux fenêtres couvertes d’un givre épais.

La troupe entra dans le bâtiment. Kori discerna immédiatement l’entrée de la base, sous la forme d’une trappe circulaire, sur laquelle son œil avisé distingua un clavier alphanumérique et un écran à 6 positions. Comme prévu, on ne pouvait accéder à la base qu’à la condition de connaître le mot de passe enregistré par Beauverger. Kori interrogea du regard le responsable des transmissions qui s’affairait, mais celui-ci lui répondit d’un signe de tête négatif : impossible d’établir une liaison avec les membres de la base, même en étant si près d’eux.

Kori avait appris à connaître Beauverger, après les heures qu’il avait passées à étudier son profil. Il savait qu’un cerveau tel que le sien avait dû laisser un message afin qu’on pût déduire le mot de passe. C’était pour ça qu’il était là, et il comptait bien accomplir sa mission. Il se mit à observer l’intérieur de la bâtisse et à faire l’inventaire de ce qu’il y trouvait : véhicules tous terrains, chasse-neige, tuyaux, fils enchevêtrés, réserves de carburant, rien qui ne semblât conforme à ce qu’on pouvait attendre d’un tel endroit.

A moins que… Au fond du hangar, Kori distingua quelques couleurs, ce qui lui fit chaud au cœur après son overdose de blanc. Il s’approcha et découvrit un fil à linge sur lequel 6 drapeaux étaient étendus. Que faisaient donc ces drapeaux ici ? La mission était ultra secrète et ne concernait que la France. Et puis pourquoi avoir emporté un drapeau du Vatican ? Et surtout, 6 lettres, 6 drapeaux, la coïncidence était trop troublante.


Kori comprit qu’il tenait le code. Il réfléchit quelques minutes, se pencha à droite, à gauche, puis, son fameux sourire illumina son visage. Il était drôle, ce Beauverger !

Il se précipita à la trappe, entra les 6 lettres du code. La trappe s’ouvrit et les éclaireurs se précipitèrent à l’intérieur…